Cap sur les 5000 points

Finance comportementale 2.0

Merci à Challenges d’avoir pris le temps de parler de comportement et de finance. Merci aussi à l’institut Louis Bachelier de participer à l’intégration de la finance comportementale dans le corpus de la recherche académique française. Dans le monde, deux prix Nobels (Kahneman en 2002 et Schiller en 2013) ont déjà été attribués à cette discipline qui recense désormais plus de 30 ans de recherches. A priori, nous entrons dans la « finance comportementale 2.0 », celle des innovations concrètes pour les utilisateurs, les épargnants.

Il y a différentes manières d’aborder le sujet. Jusqu’à présent, nous avons opté pour des conclusions opérationnelles fortes sur l’allocation optimale dans le contexte actuel. Nous avons notamment indiqué qu’il fallait être résolument acheteur d’actions, de préférence européennes et que 2016 ne devrait pas être une année de « krach » malgré tous les risques apparents.

Nous choisissons aujourd’hui un angle plus général, celui de l’évolution dans le temps d’une psychologie de marché. Il est en effet possible de tirer profit d’une analyse historique totalement indépendante de la notion de valeur.

 

Nos ainés

La sagesse de nos ainés gérants reste source d’inspiration. Sir John Templeton disait que « les marchés haussiers naissent dans le pessimisme, croissent dans le scepticisme, murissent dans l’optimisme et meurent dans l’euphorie ». Ce constat est largement partagé par les investisseurs et pourtant nos biais comportementaux nous empêchent de l’exploiter. Par exemple, au début d’un marché haussier, nous sommes certains d’une seule chose, c’est qu’un marché baissier a précédé – donc des pertes – le « pessimisme ». Au début de ce marché haussier, ce risque de perte est encore bien présent dans nos mémoires : nous sommes soumis au biais de récence et nous sommes « sceptiques ». Evidemment, plus le temps passe, moins nous nous souvenons et, la hausse aidant, nous devenons « optimistes ».

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De leur côté, les analystes techniques occidentaux ont aussi leurs références : Hamilton, Schabacker, Edwards puis Murphy, Pring etc. Mais avant que le terme même d’analyse technique ne surgisse (années 20), ces auteurs d’ouvrages pratiques ont une référence commune : leur ainé Charles Dow. Dans la période 1880-1900, ce journaliste fonde le Wall Street Journal, crée l’indice Dow Jones de valeurs industrielles et surtout délivre des éditos quotidiens sur les marchés. Dans ses observations, une des plus remarquables est celle qui a trait à l’évolution de la nature des participants pendant un marché haussier complet. Dow parle de trois vagues successives de participants dans une hausse complète : la première – « accumulation » –  concerne des investisseurs lucides qu’il appelle les « mains fortes » ; la seconde – « participation » –  est formée de la majorité des intervenants désormais tous au fait du potentiel d’appréciation ; la troisième – « distribution » – comprend surtout des « mains faibles », c’est-à-dire des investisseurs peu expérimentés, attirés uniquement par le profit que laisse miroiter la hausse précédente et qui ne connaissent rien au sujet.

Il existe encore d’autres correspondances, notamment dans l’économie (théorie des cycles : Juglar, Kitchin, etc.) ou dans la théorie de l’entreprise (les trois stades : émergence, développement et maturité). En somme, on peut parler de l’état du sentiment, de vagues de type d’investisseurs ou de stade d’avancement, ce qui compte est de « faire le point » comme disait Fernand Braudel, de savoir où nous sommes.

 

Le sujet du point bas

Evidemment, il faut commencer par définir un point bas. Le problème est qu’il y en a beaucoup… Nous avons une méthode pour les sélectionner mais pour cet exposé, nous nous limitons à quelques exemples significatifs.

Avec une petite mémoire, on se souvient qu’au début de cette d’année, le moral était au plus bas. Le terme de pessimisme reflète ce moment. Celui-ci doit être suivi du scepticisme puis de l’optimisme. Avons-nous vécu cela ? Nous estimons, au vu d’un ensemble d’indicateurs, que le climat actuel est plus sceptique qu’optimiste. La conclusion s’impose : la hausse depuis le point bas de février 2016 ne serait pas (du tout) terminée. C’est pourquoi nous avions intitulé notre présentation de juin « Faut-il être optimiste ? ».

 

Avec une mémoire un peu plus longue, l’investisseur se souvient de la crise financière de 2008 et du point bas de début 2009. Depuis les cours ont monté. Si on reprend les trois vagues de Dow, on peut postuler que la vague des « mains fortes » a eu lieu. Dans une hausse, les corrections séparent les différentes vagues. Si on cherche les corrections depuis le point bas de 2009, on en trouve deux : 2011 et 2016 (cf. graphique du S&P500 ci-dessus). Si la période 2009-2011 est « l’accumulation », on peut se demander si la suivante (2011-2016) ne serait pas la « participation ». Cela signifierait que les « mains faibles » ne sont pas encore dans le marché. Pour cela, il faut que les doutes planent encore et surtout que les médias ne se soient pas encore emparés des marchés financiers comme de la dernière mode populaire. Les doutes planent, c’est évident. Quant aux médias, les marchés financiers restent pour eux un sujet critique et non un lieu de profit facile. En conséquence, soit la période de « participation » n’est pas encore consolidée (terminée) et il faudrait encore être patient, soit la période de distribution va commencer. La formation du nouveau sommet sur le marché américain va dans le sens de la seconde possibilité. Sans s’imposer, la conclusion est tout de même positive.

 

Conclusion d’investissement

En termes de gestion de risque, nous ne pouvons pas être particulièrement inquiets. Au pire les actions vont continuer le « surplace » mais le scénario le plus probable est une accélération haussière.

Pour l’indice parisien suivi par tant d’entre nous, cela signifie au moins 4800 points cette année et un allègre dépassement des 5000 points sous 12 mois.

Nous devons être vigilants lors de manifestations « d’euphorie » ou de « distribution ». C’est encore bien trop tôt.

 



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